De quoi parle-t-on ?

Les inégalités sociales de santé (ISS) sont les différences d’état de santé observées entre les individus en fonction de leur position sociale1.

L’exemple le plus emblématique des ISS est la « double peine des ouvriers » : à 35 ans, l’espérance de vie d’un homme ouvrier est de 6 ans inférieure à celle d’un homme cadre ; et son espérance de vie en bonne santé est de 10 ans inférieure2.

En pratique, on retrouve ces différences à tout âge de la vie (de la période périnatale au grand âge) et dans tous les domaines de la santé (prévention, pathologies chroniques et leurs complications, pathologies aiguës et infectieuses, etc).

À quoi c’est dû ?

Ces différences d’état de santé sont liées aux déterminants sociaux de la santé : « circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent et les systèmes mis en place face à la maladie »3.

Ainsi, quand on cherche à comprendre l’état de santé d’une personne, il faut prendre en compte l’ensemble des facteurs de son environnement direct mais aussi plus large, comme décrit dans le modèle de Dahlgren et Whitehead (voir image).

N’est-ce vrai que pour les extrêmes ?

Les ISS ne concernent pas que les barreaux extrêmes de l’échelle sociale. On observe un gradient de santé tout au long de l’échelle. Liées à des déterminants dynamiques, état de santé et condition sociale interagissent et sont susceptibles de se modifier tout au long de la vie des personnes.

En quoi ça concerne les médecins généralistes ?

Il est recommandé aux médecins généralistes de recueillir certaines informations afin d’évaluer la situation sociale de leurs patients4 et de repérer des situations dans lesquelles être attentifs aux difficultés qu’ils pourraient rencontrer :

  • âge ;
  • sexe ;
  • adresse ;
  • assurance maladie (couverture obligatoire et complémentaire) ;
  • statut par rapport à l’emploi ;
  • profession ;
  • capacités de compréhension du langage écrit.

La situation par rapport à l’emploi et la pauvreté monétaire sont deux marqueurs clés, indiquant déune précarité installée. Il existe de nombreuses situations différentes à risque de précarité du fait d’insécurités menaçantes. Ces situations sont moins visibles/repérables ; par exemples : revenus juste audessus des minima sociaux (permettant d’accéder à la Couverture santé solidaire ou autres), absence d’entourage/de réseau social, conditions de logement inadaptées, etc.

Pourquoi y prêter attention aujourd’hui ?

Les ISS reflètent la réalité des difficultés des personnes à accéder aux soins, à porter attention à leur santé, à évoluer dans des conditions leur permettant d’atteindre un état « de complet bien-être physique, mental et social ».

Il existe aussi une réalité de discrimination dans le soin. Par des mécanismes de biais psychologiques chez les soignants, les patients ne sont pas soignés de la même façon en fonction de leur position sociale, leur origine ethnique, etc. (exemple du soi-disant « syndrome méditerranéen »).

En dehors de tout débat polémique, il est intéressant de se rendre compte de ses propres biais afin d’adapter sa pratique quotidienne.

Enfin, la crise actuelle à la fois sanitaire et économique risque d’entraîner des retombées dans ces deux domaines. Les médecins généralistes seront en première ligne pour en prendre en charge les effets.


Bibliographie

  1. Lang T, Ulrich V. Les inégalités sociales de santé – Actes du séminaire de recherche de la DREES 2015-2016.
  2. Cambois E., Laborde C., Robine J.-M. La «double peine» des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte. Population et sociétés. 2008;441.
  3. Commission des déterminants sociaux de la santé. Combler le fossé en une génération : instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé. OMS ; 2009.
  4. Groupe de travail universitaire et professionnel. Pourquoi et comment enregistrer la situation sociale d’un patient adulte en médecine générale ? Recommandations aux médecins généralistes de France. Collège de la Médecine Générale ; 2014.